En ces journées du
patrimoine 2004, le pays d'art et d'histoire "Les portes du
Sud", regroupant les communes de St-Pierre et St-Louis, offraient
un programme alléchant de visites, mis en oeuvre par Pascal Laude. J'ai
choisi tout d'abord de me rendre à Pierrefonds.
Le rendez-vous était fixé à 15h au "dépôt de rhum", qui
d'ailleurs n'en a jamais été un, les seuls barils entreposés pendant un
temps ayant contenu de l'essence.

Le dépôt de rhum (photo a. m.) en juin 2006
Pierrefonds
Le bâtiment a de l'allure, avec ses colonnes, et sa varangue entre les
deux petites pièces des extrémités.
Sous la varangue, une maquette de tout
le périmètre concerné est exposée sous plexiglas, ainsi qu'une photo aérienne. A
l'intérieur, le projecteur déjà allumé présente le plan des lieux
vers 1915, avec l'indication de la destination des différents bâtiments.
Bertrand Suzanne, responsable du Service culturel de la commune, chargé
plus particulièrement du patrimoine, s'excuse tout d'abord de ne pouvoir
nous parler en détail de l'histoire de l'activité sucrière, l'intervenant s'étant
décommandé au dernier moment... Il esquisse tout de même un rapide
historique : la zone n'a jamais été concédée, car c'était une zone
commune de pâturages pour les animaux, une savane, située dans une zone
aride, pleine de galets...
M Lebidan serait le créateur de la première usine, dans les années 1830,
après la réalisation du canal St-Etienne, et d'une prise d'eau vers
Pierrefonds, qui servira à faire fonctionner une machine à vapeur et une
roue hydraulique. M Théodore Deshayes devient le nouveau propriétaire en
1860 et lui donnera le nom de Pierrefonds. Ce domaine sera la première acquisition de
Léonus Bénard
(début XXè siècle). Le bâtiment principal a subi des agrandissements successifs au
fur et à mesure des progrès techniques et l'usine a été fermée
définitivement en 1970, toute l'activité étant regroupée sur l'usine du Gol. La commune
est désormais propriétaire du site. Seule, le centre de pesée des
cannes va rester en fonctionnement jusqu'en 2004.

Les cuves à mélasses (photo
a.m) en juin 2006
La réhabilitation du "dépôt de rhum"
Olivier Brabant, architecte chargé de la réhabilitation du bâtiment où
nous nous trouvons, va maintenant nous présenter le travail effectué en
2001, avec l'aide du projecteur. Il indique que cette salle accueille en
résidence la troupe du théâtre Talipot. A l'origine,
existait une mezzanine
sur une partie de la pièce. Elle a été supprimée. Les murs ont été
grattés afin de rendre apparentes toutes les pierres. La toiture a été
entièrement refaite, les poutres apparentes, en bois de fer, étant
sauvegardées et traitées, sont maintenues par des sabots placés dans
l'épaisseur des murs, eux-même retenus par de longues barres
métalliques (pas très esthétiques, hélas), boulonnées à des fers
traversant les murs à mi-hauteur, de quoi décourager les vents les plus
violents de soulever l'ensemble. La scène, à la demande de la troupe, occupe le tiers de la surface.
Les bancs, de bois d'essences diverses, posés sur une structure
métallique qui accueille les loges et les réserves, sont
particulièrement inconfortables. Heureusement, plaisante
l'architecte, les
spectacles ne dépassent pas 1h30 en général, et il vous est conseillé
d'apporter votre coussin, comme à St-Gilles. La climatisation étant
impensable, esthétiquement et financièrement, des extracteurs d'air ont
été placés sur la toiture.
La reconversion
M Suzanne va ensuite nous dévoiler les grandes lignes du dossier des projets
de reconversion du domaine, qui vient de recevoir un premier prix, d'un
organisme lié au ministère de la Culture, ai-je cru comprendre. Il nous exposera davantage sa philosophie du
projet, plutôt que les orientations actuelles, laissant le soin à un autre intervenant de laisser filtrer des
indications plus précises... Il me semble avoir compris qu'un bâtiment
"remarquable", terme qu'il emploie souvent pour désigner un
bâtiment rescapé du passé, ne doit pas obligatoirement être figé,
transformé en "musée", mais qu'il était préférable qu'il
soit "reconverti" en servant de cadre à une activité du présent.
C'est ainsi que l'usine elle-même pourrait accueillir entre ses murs une
salle de spectacle, un restaurant... d'ici dix à quinze ans. Les
financements nécessaires seraient conséquents, de l'ordre de la centaine
de millions d'euros...
Pour le moment, seule est décidée la reconstruction, à l'identique, des
maisons situées à droite du dépôt de rhum, qui ont brûlé récemment.
Visite du site : une organisation de l'espace remarquablement
réfléchie
Après plus d'une heure, les séants criant pitié, nous sortons dans la
"cour des échanges", devant les grosses cuves à mélasse. Nous
nous dirigeons d'abord vers la façade, au sud, côté quatre-voies.
Bertrand Suzanne nous indique que le site de Pierrefonds est particulièrement
intéressant par la disposition des différents bâtiments et des
habitations, une disposition qui n'a pratiquement pas changé depuis la
première implantation par M. Lebidan, et qui ne se retrouve nulle part
ailleurs, notamment à Grands-Bois. C'est ainsi que nous découvrons qu'autour de l'usine (et de sa
cheminée), gravitent la maison du directeur, au sud-est (à l'abri des
vents dominants), les habitations des employés sont éparpillées
principalement du nord-est au sud, la distillerie et sa cheminée sont
éloignées au sud-ouest, les étables à bœufs au nord-ouest, les
écuries au nord-est...

La façade de l'usine
(photo a.m.) en juin 2006
Un château ou une usine ?
La façade est bien triste désormais, mais
on devine les splendeurs passées de ses fenêtres monumentales, avec ses
boiseries et ses rosaces ! Comme le faisait remarquer un visiteur, c'est
une façade d'opérette, on pourrait se croire en face d'un château, la
longue allée centrale venant de la nationale, et le bassin (comblé) dans l'axe
complétant l'illusion... Bertrand Suzanne nous fait remarquer que
l'usine, au fil des progrès techniques, s'est agrandie à l'arrière et
surélevée, mais sans être globalement remaniée. La cheminée actuelle
est plus au nord qu'à l'origine. Nous dépassons la balance, et le local
du CTICS, de facture moderne, pour nous diriger vers la distillerie, au
sud-ouest. Un cyclone récent en a soulevé -et reposé - la toiture, en
la vrillant légèrement. Il serait nécessaire d'intervenir rapidement
afin qu'elle ne s'envole définitivement, la prise d'air au vent étant
maintenant très importante. De même, les pilleurs de vieilles pierres
s'en donnent à cœur joie, mais comment sécuriser un tel ensemble ?
Entre la distillerie et la plate-forme de
réception des cannes, à l'ouest, avec ses deux grues antiques, un long
bâtiment du début du 20è, pour le rangement et la réparation des
machines, plus au nord-ouest, les étables à bœufs, dont subsistent
seuls les murs. Au nord, se situaient encore il y a une vingtaine
d'années des maisons aux murs épais, comme il en subsiste encore
plusieurs, habitées, à l'est. Comme l'avait fait la troupe Talipot, qui
avait su intégré les habitants du quartier à ses activités, il est
prévu de les associer à la réflexion, à un stade ultérieur. La future
Zac, au nord, devrait s'organiser de part et d'autre du tracé de
l'ancienne dérivation du canal St-Etienne, ainsi retrouvée. Nous regagnons la place des échanges,
ayant fait un cercle complet, pour longer les écuries, dont l'une a
été reconvertie en chapelle, puis l'infirmerie. Il est plus de 17h... La
trentaine de visiteurs semble avoir été intéressée et passionnée par
les explications des intervenants.
Rendez-vous pour le début des
travaux...
La
maison Gorce, en août 2006
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